Je est Il, Il aime Elle.

Il est l’heure, ma psychologue ne va pas tarder à venir me chercher pour notre séance. Comme à chaque fois, je pense à ce que je vais lui raconter, cette fois.

Par où commencer ? Par quoi ? On a parlé de mes problèmes, de ma maladie, de mes troubles, de mes pensées, de mes tares, de mon passé, de mon présent et de mon futur. Alors que dire, désormais ?

Ah si, je sais ! Alors voilà, cette fois, tout a commencé avec une fille. Tout commence toujours à cause d’une fille. Mais elle, elle était différente des autres. Elle sentait bon l’interdit et respirait un tout autre air que le mien : celui de la liberté. Elle s’appelait Olga, et à partir du jour où je l’ai rencontré, je n’ai cessé de faire tourner son doux prénom indéfiniment dans ma tête. Elle a toujours occupé une grande partie de mes pensées, sans jamais avoir été mienne, ou presque.

J’ai eu la chance, pendant quelques mois, de frôler sa peau dans la plus grande légalité. Est-ce que j’ai l’air d’un fou ? Oui. Mais comprenez-moi, j’étais fou d’elle. Elle représentait tout ce que j’avais pu imaginer. Elle en semblait même irréelle, parfois.

Et c’est sûrement pour ça que je l’ai perdue. Je l’ai laissé me glisser entre les doigts. Sable sauvage. Je n’ai pas su la retenir quand je le pouvais encore. Et je m’en suis voulu. J’étais le roi des imbéciles, couronné pour ma bêtise sur mon trône de solitude. Je suis devenu poussière, désillusion. Elle est devenue mirage, lointaine chanson.

Cette fille, elle me rappelle l’été. Elle est solaire, je suis lunaire. Elle est la vie quand je ne suis que peine. Elle était tout ce que je n’étais pas, et c’est ce que j’aimais chez elle. Sa différence.

Je me remémore tout ce que j’ai pu vous dire et je reconnais qu’on pourrait croire que je me hais, et parfois, c’est vrai. Mais je regarde alors le ciel et je pense à tous ceux qui le regardent en même temps que moi. Ces inconnus du monde entier sont ma force. Peut-être que, quelques fois, Olga se trouve parmi ces gens de tous horizons. Peut-être qu’elle pense parfois à moi, pas aussi fort que je pense à elle, mais suffisamment pour me faire exister dans son cœur ou dans sa tête.

Je m’appelle Poussière. Désillusion. Cœur brisé. Et j’aime l’impossible, j’aime ce qui ne m’appartient pas, et même si je sais que nous sommes des centaines, des milliers, des millions dans mon cas, je me sens plus seul que jamais.

La psy est arrivée, elle me fait entrer dans son bureau où je m’installe comme d’habitude. Elle me demande si je vais bien, je lui dis que je pense à Olga. Je lui parle d’Olga. Elle m’écoute raconter ma triste histoire bien trop commune, qui n’émeut plus personne d’autre que moi-même. Elle me demande si je l’aime. Je lui réponds que je ne sais pas. Mais que je pense à elle, et que c’est déjà trop.

La séance passe, et arrive la fin. Je la salue, lui souhaite une bonne journée, et sors de son bureau, la boule au ventre.

La prochaine fois, je lui parlerai enfin de ce qui compte. La prochaine fois, j’oserai enfin lui dire ce qu’elle pense déjà savoir, j’aurais dû profiter de la fois où elle l’a insinué, ça aurait été tellement plus simple.

Je lui dirais que tout a vraiment commencé quand j’ai modifié ma vision de mon apparence. Je ne cherche pas à plaire, mon corps, mon âme, mon esprit, sont morts pour laisser place à une enveloppe humaine que je montre sous sa véritable nature ; sans artifice, sans fard, sans sourire qui déforme le visage. Parfois on me verra froncer les sourcils, car l’incompréhension et la rage sont tout ce qu’il me reste. Je ne cherche pas à plaire, je ne cherche qu’à me cacher sous mes habits amples et douillets. Je suis une créature issue de la nature et si mon cœur n’appartient qu’à Elle, mon être est soumis à notre mère à tous, répandue tout autour de nous.

Je lui dirais que je n’ai pas changé, que je suis toujours le même, mais que je vais mieux ainsi.

La prochaine fois, juré, j’entrerai dans son bureau et, sûr de moi, je lui dirais :

Je m’appelle Jacob, mon histoire est banale, je suis un garçon comme votre fils ou votre frère. Sauf que moi, je suis né fille.

 

2 réflexions sur “Je est Il, Il aime Elle.

  1. Pourquoi la lune est elle solitaire ?

    Elle avait un amant.
    Il se nommait Kuekuatchu et il vivait dans le monde des esprits avec elle.
    Et toutes les nuits, ensemble, ils sillonnaient les cieux. Mais un des autres esprits en prouvait de la jalousie, Langue fourchue voulait la lune pour lui tout seul. Il a donc dit à Kuekuachu que la lune voulait qu’il lui offre des fleurs, qu’il devrait faire le voyage jusqu’à notre monde pour lui cueillir des roses.
    Mais Kuekuachu ignorait que celui qui laisse le monde des esprits derrière lui ne peut pas y revenir.
    Et toutes les nuits depuis, il contemple le ciel, voit la lune et il hurle son nom.
    Mais il ne peut plus le toucher

    Aimé par 1 personne

    1. Proposition d’un thème : le prisonnier… Malheureusement pendant un certain laps de temps je n’aurai plus le plaisir de te lire car dans les jours à venir je vais être incarcéré, alors avant d’être enfermer je te soumet ce thème, une dernière fois te lire avant de disparaître…

      J’aime

Laisser un commentaire