La maladie n’est pas une barrière.

La schizophrénie.

C’est le grand mot, c’est parti. Le mot le plus effrayant de la santé mentale. La culture pop a déjà fait un travail assez fou pour nous montrer à quoi ressemble la schizophrénie :

Dans les films, les personnes atteintes de schizophrénie sont violentes, paranoïaques, effrayantes, imprévisibles, incohérentes, incapables de s’occuper d’elles-mêmes et, le plus souvent, limitées en permanence aux établissements de santé mentale.

N’est-ce donc pas un peu réducteur, pour des êtres humains ?

Ce n’est effectivement pas la réalité de dizaines de milliers de personnes vivant avec ce trouble. Mais alors madame, comment est-ce vraiment ?

Tout d’abord, la schizophrénie présente deux types de symptômes : les symptômes positifs, et les symptômes négatifs.

Deux personnes souffrant de schizophrénie peuvent éprouver des symptômes complètement différents, aucun cas n’est exactement semblable à un autre.

Commençons par les symptômes dits « positifs ». Ce sont des symptômes «ajoutés» aux pensées normales d’une personne. Le mot positif ne signifie pas qu’ils sont bons pour la personne. Pour tout dire, ils sont sans doute la partie la plus effrayante et douloureuse du mal. Les symptômes positifs incluent des hallucinations, des illusions et des pensées désordonnées, qui sont des choses que les personnes neurotypiques n’éprouvent pas.

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Passons maintenant aux symptômes dits « négatifs. Cette fois, ce sont des symptômes qui ont été «enlevés» des pensées normales de notre individu. Cela inclut des choses comme le manque d’émotion, le manque d’expression faciale, le manque de motivation, l’incapacité de ressentir du plaisir et des difficultés de langage. Les malades luttent alors pour faire certaines choses que les personnes neurotypiques prennent pour acquis.

Si je devais me prendre pour exemple, je dirais que je peux parler très vite et la seconde d’après me mettre à marmonner. Ou faire les deux à la fois. Je peux dire des mots dans le mauvais ordre. Je pourrais mettre des années à dire une phrase parce que j’essaie, en même temps que de la prononcer, de m’assurer qu’elle a du sens. Je tourne souvent en rond et n’arrive finalement jamais à mon point final. Parfois, je pense avoir parlé. Mais non. Et je ne peux rien faire contre ça.

Les hallucinations sont habituellement auditives. Dans les films, on montre parfois des hallucinations où l’on voit des gens qui ne sont pas là : cela arrive, mais c’est plus rare que les hallucinations auditives. Pour la plupart des gens, les hallucinations prennent la forme de voix qui disent constamment des choses désagréables. Amusant, n’est-ce pas.

La schizophrénie apporte souvent avec elle des barrières cognitives. Bien qu’il y ait des personnes souffrant de schizophrénie qui ont des QI élevés et qui obtiennent des diplômes d’études supérieures, de nombreuses personnes atteintes de schizophrénie ont des retards cognitifs, des problèmes de mémoire et des difficultés d’apprentissage. Par exemple, ma mère veut que je travaille sur ma mémoire, de peur que je ne la perde pour de bon.

Aujourd’hui, nous ne savons pas vraiment ce qui cause cette maladie. Nous savons qu’il existe un énorme élément génétique impliqué : avoir un parent proche atteint de schizophrénie augmente considérablement un risque de le développer. Mais il existe d’autres facteurs de risque, comme un début de vie instable, de la violence à la maison, un manque de nutrition adéquate, des abus, des traumatismes chez les enfants et j’en passe et des meilleurs.

La schizophrénie se développe soudainement, habituellement à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. L’âge moyen d’apparition chez les hommes est de 18 ans, et de 25 ans pour les femmes. Bien qu’elle puisse se développer au cours de l’enfance, ou après l’âge de 30 ans, mais c’est assez rare.

Maintenant, chose importante : les personnes atteintes de schizophrénie sont rarement violentes. En fait, elles sont beaucoup plus susceptibles d’être victimes de violence que d’en être les auteurs. Les personnes atteintes de schizophrénie non traitée sont plus susceptibles de se retrouver sans abri, de tomber dans la drogue ou l’alcool, et isolées de leur famille, ce qui signifie qu’elles sont plus facilement vulnérables.

Le principal traitement de la schizophrénie est le traitement anti-psychotique. Obtenir des médicaments corrects peut être un processus long et difficile qui peut prendre des mois ou des années. Les effets secondaires des antipsychotiques peuvent être sévères et désagréables pour les malades. Si l’on combine ce dernier point au fait que 30 à 50% des personnes atteintes de schizophrénie ne croient pas être malades, on réalise qu’il peut être très difficile pour les personnes malades de rester sous traitement. Mais attention, beaucoup de schizophrènes s’adaptent bien aux médicaments, reprennent leurs activités normales et certains entrent complètement en rémission. Vous pourriez connaître quelqu’un atteint de schizophrénie sans même le réaliser. Mais d’autre part, les personnes souffrant de schizophrénie ont une espérance de vie inférieure à 25 ans par rapport à la population générale et connaissent des taux élevés de pauvreté, de chômage, de dépendance. Environ 5% se suicident.

Enfin, mettons juste une chose au clair, chose qui m’irrite assez facilement : La schizophrénie n’est PAS un «trouble de la personnalité multiple». Les personnes souffrant de schizophrénie ont une seule personnalité et une unique identité. Même s’ils éprouvent des illusions étranges, bizarres, ils savent toujours qui ils sont.

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La schizophrénie est un trouble incroyablement compliqué. Je n’ai fait que survoler les bases. Vous pouvez l’étudier pendant des années et ne toujours pas savoir tout ce qu’il y a à savoir. Mais le plus important est le point suivant : les personnes atteintes de schizophrénie ne sont pas des monstres. Ils ne sont pas quelque chose à craindre. Ils sont malades, tout comme les personnes atteintes de diabète, d’un cancer du poumon ou d’asthme sont malades, et ils méritent de la compassion et du soutien lorsqu’ils recherchent un contact médical (ou autre).

Nous ne sommes pas des «schizos», des «fous», des «tueurs», «effrayants».
Nous sommes des personnes avec des sentiments, qui peuvent ressentir des choses.
Nous n’allons pas nous déchaîner à tuer à cause des voix.
Nous sommes des êtres humains, qui ont un déséquilibre chimique et essayons de survivre dans la vie que nous avons.

Nous ne sommes pas un trophée que vous brandissez après nous avoir rencontré parce que vous n’aviez jamais rencontré une personne atteinte de schizophrénie auparavant.
Nous sommes comme tout le monde, nous voyons un autre monde et essayons de le gérer du mieux que nous pouvons.
Vous ne devriez pas avoir peur de nous, vous n’êtes pas ceux qui devraient avoir peur.

Entre vous et moi, je suis celle qui a peur, c’est ma vie qui est difficile, pas la vôtre. Vous n’êtes pas celui qui entend ou voit des choses, vous êtes la personne de la réalité, la personne qui pourrait aider, qui pourrait être rassurante.
Les seules émotions que vous devriez ressentir (éventuellement) sont de l’inquiétude et de la préoccupation pour la personne.
Nous sommes des gens, nous avons un trouble mental, nous avons peur, mais nous sommes des gens comme vous.

 

Une réflexion sur “La maladie n’est pas une barrière.

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